Lyon : passage à la Capitainerie

Dernier bâtiment du quai Rambaud à n’avoir pas encore fait l’objet d’une réhabilitation, l’ancienne capitainerie accueille une exposition, en résonance avec la 13e biennale d’art contemporain. Passage met en lumière les acteurs de deux scènes artistiques contemporaines dynamiques : Lyon et Leipzig.

Autour d’Isabelle Bertolotti et Ilina Koralova, les deux commissaires de l’exposition, se sont constitués deux groupes d’artistes : Thibault Brunet, Marc Desgrandchamps, Karim Kal, Aurélie Pétrel, Laurent Proux et Mengzhi Zheng pour la France ; Stefan Fischer, Margret Hoppe, Tamami Iinuma, Oliver Kossack et Andreas Schulze pour l’Allemagne.

Désaffectée depuis une dizaine d’années, pillée de fond en comble (à l’exception des meubles les plus lourds ne pouvant être emportés), privée d’eau et d’électricité, l’ancienne capitainerie s’arpente lampe à la main, la visite s’effectue dans une semi-pénombre. Une expérience singulière, loin, très loin du white cube traditionnel ! De rares éléments, comme les quelques cartes encore accrochées aux murs, trahissent l’ancienne vocation du lieu. Répartie sur les deux niveaux du bâtiment, l’exposition explore non seulement la notion de passage à travers des changements d’échelles, des interactions entre le réel et le virtuel, la deuxième et la troisième dimension mais aussi la relation de l’œuvre à son environnement…

Thibault Brunet, dans le cadre de l'exposition Passage, façade de l'ancienne Capitainerie du port Rambaud, Lyon
Pour Passage, Thibault Brunet investit la façade de l’ancienne Capitainerie du quai Rambaud

La façade de la Capitainerie, par exemple, a été recouverte d’une prise de vue en noir et blanc de Thibaut Brunet extraite d’un jeu vidéo en ligne, agrandie aux proportions du bâtiment, brouillant ainsi dès l’entrée la frontière entre la réalité et l’illusion. À l’intérieur, l’artiste présente un ensemble de travaux obtenus en prélèvant et isolant de Google earth des modélisations d’immeubles. L’accrochage et la scénographie de l’exposition répondent à la topographie même du lieu : surfaces, volumes, lignes… sont mises à profit, à l’image des photographies d’Andreas Schulze qui prolongent le carrelage au sol, des mobiles de bric et de broc d’Oliver Kossack qui se déploient autour de l’escalier principal ou de l’installation, entre sculpture et photographie, d’Aurélie Pétrel qui occupe toute la longueur d’un mur.

L’absence généralisée de présence humaine (à une exception près) dans les travaux présentés participe aussi du dialogue entre l’exposition et l’architecture en renforçant l’atmosphère d’abandon du lieu. Les trois peintures de Laurent Proux présentées à l’étage offrent autant de point de vues sur une chaîne de montage, dans une usine, privée de ses ouvriers. Le diptyque de Marc Desgrandchamps exposé est l’une de ses rares toiles sans personnage… Margret Hoppe photographie « les espaces vides laissées sur les murs ou les façades après que les sculptures ou bas-reliefs aient été retirés ou les peintures enlevées, effacées ou recouvertes lors du bouleversement de 1989 » (selon ses propres mots), elle expose ici un cliché révélant l’absence d’une peinture murale de Gerhard Richter. Quand à Tamami Iluma, elle cartographie au moyen d’autocollants de couleurs les traces laissées par les clous des cadres et des images épinglées aux murs  de son atelier, dévoilant ainsi ce qui n’est plus là.

L’exposition requiert la participation active du visiteur non seulement pour l’appréciation des œuvres (qui pour être vues doivent être éclairées par lui) mais également pour faire acte de passage comme dans l’installation de Mengzhi Zheng présentée au rez-de-chaussée qui invite le spectateur à l’appréhender en la traversant.


Exposition Passage, du 8 au 27 septembre 2015, la Capitainerie, 41 quai Rambaud, Lyon. Entrée libre.