Pourvu qu’elle soit douce

S’appuyant sur son fonds, riche de plus de 2000 estampes éditées en 38 ans d’existence, l’URDLA – Centre international estampe & livre présente du 16 février au 25 mars 2017 le deuxième volet d’une suite informelle d’expositions explorant les techniques de l’estampe. En écho à To the happy few, l’accrochage Éloge de l’incision s’intéresse aux pratiques de la taille-douce : burin, pointe sèche, manière noire, eau-forte, aquatinte…

La taille-douce désigne l’ensemble des procédés de gravure en creux (en opposition à la « taille d’épargne » ou en relief, pratiquée principalement sur bois ou sur linoléum). Ses origines remontent au XVe siècle. Initiée par des orfèvres, la taille-douce fut rapidement exploitée par les artistes, à l’instar de Mantegna, Dürer et plus tard Rembrandt, Goya ou Picasso. Des estampes de 18 artistes contemporains, héritiers des maîtres, ont été sélectionnés pour illustrer cette technique. L’exposition mêle les générations – de Patrice Vermeille, né en 1937, à Alex Chevalier, 27 ans – et les parcours (entre novices et professionnels de la gravure, résidents occasionnels ou réguliers de l’URDLA).

À chacun des deux espaces de l’exposition correspond un procédé technique : taille directe d’abord, taille indirecte ensuite [dans le premier cas, l’artiste grave sa plaque à l’aide d’un outil (burin, pointe sèche, berceau pour la manière noire) ; dans le second, de l’acide est employé pour creuser le métal (eau-forte, aquatinte)]. Après gravure, la plaque est encrée sur toute sa surface de manière à combler les creux et essuyée afin d’éliminer tout surplus d’encre sur les parties non attaquées. Le tirage se fait par l’exercice d’une forte pression sur une feuille de papier préalablement humidifiée, qui posée sur la plaque, recueille l’encre contenue dans les creux.

vue de l’exposition Éloge de l'incision, gravures en creux © Photo : Jules Roeser. Courtoisie de l’URDLA
vue de l’exposition Éloge de l’incision, gravures en creux © Photo : Jules Roeser. Courtoisie de l’URDLA

Volontairement didactique, l’accrochage permet de comprendre toutes les techniques historiques de la gravure en creux. À cette occasion, des matrices – objets rares et précieux, généralement dissimulés au regard du public – ont été sorties des réserves et placées près des estampes correspondantes, invitant le visiteur à considérer l’un et l’autre avec attention (méticuleusement exécutées, souvent riches en détails, les gravures en taille-douce s’apprécient mieux de près, impliquant un rapport frontal et rapproché, presque intime, entre l’œuvre et le spectateur). La compréhension est facilitée par la proximité de l’espace de travail occupé par les artistes – à chacune de ces étapes correspond un poste, signalé par des cartels – avec l’accrochage et le statut particulier de la structure : à la fois atelier de production, centre d’art, maison d’édition et galerie commerciale (l’URDLA accompagne chaque artiste dans l’élaboration d’un projet d’estampe, l’impression et sa diffusion auprès du public).

À partir d’exemples puisés dans ses collections, l’URDLA rend compte des applications contemporaines de procédés historiques (le burin existe depuis le XVe siècle, la manière noire depuis le XVIIe, l’aquatinte depuis le XVIIIe…). Se construisant par allers-retours successifs entre passé et présent, tradition et modernité, l’exposition offre un panorama – non-exhaustif – des possibilités offertes par l’URDLA aux artistes d’aujourd’hui avec certaines curiosités esthétiques et techniques comme les gravures sur plexiglass de Jacqueline Salmon (*), les plateaux de tables de bistrot en aluminium utilisés comme matrices par Assan Smati (*) ou les combinaisons de techniques réalisées par Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize (*).


Exposition Éloge de l’incision, gravures en creux, du 16 février au 25 mars 2017, URDLA – centre international estampe & livre, 207 rue Francis-de-Pressensé, Villeurbanne – entrée libre.


Image à la une : vue de l’exposition Éloge de l’incision, gravures en creux © Photo : Jules Roeser. Courtoisie de l’URDLA