Le Louvre a toujours eu vocation à soutenir la création. Tout au long de son histoire, le musée à invité des artistes à produire une œuvre ou un décor pour le palais, jusqu’à Anselm Kiefer, Cy Twombly et François Morellet dans les années 2000. Visite guidée.
Au milieu du XXe siècle, le musée du Louvre renoua avec la pratique de la commande aux artistes. À la demande d’André Malraux, alors ministre des affaires culturelles, Georges Braque fut invité à décorer le plafond de la salle Henri II (aile Sully, 1e étage), l’ancienne antichambre du roi, afin de remplacer les toiles peintes par Merry-Joseph Blondel en 1822, abîmées par le temps et déposées en 1938. Son intervention consiste en trois panneaux, s’intégrant dans les lambris du plafond Renaissance richement décoré, réalisé au milieu du XVIe siècle par le menuisier Francisque Scibec de Carpi en collaboration avec le sculpteur Etienne Carmoy.
Sur un fond couleur bleu nuit, se détachent six silhouettes d’oiseaux fortement stylisées réparties par groupe de deux, peintes en noir et cernées d’un épais trait blanc. Georges Braque reprend pour cette composition le motif des oiseaux, récurrent dans son travail. Quelques étoiles et un croissant de lune semblent faire écho au symbole d’Henri II (trois croissants de lunes entrelacés) sculpté ici et là. Les Oiseaux s’inscrivent dans une série de commandes prestigieuses passées par le musée aux plus grands artistes vivants, dans la lignée de la réalisation du décor de la galerie d’Apollon par Eugène Delacroix. Le plafond de Georges Braque allaient ouvrir la voie à Anselm Kiefer, François Morellet ou Cy Twombly dans les années 2000.
Longtemps écarté du musée du Louvre, l’art contemporain fit un retour remarqué dans les années 2000 sous l’impulsion d’Henri Loyrette son président-directeur. L’artiste allemand Anselm Kiefer (qui bénéficiera d’une grande exposition au Centre Pompidou l’année prochaine, lire En 2015, 2016, 2017 à Paris) fut invité à investir l’escalier nord de la Colonnade (aile Sully, 1e étage) construit par les architectes Percier et Fontaine au début du XIXe siècle.
Il propose pour cet espace une peinture monumentale figurant un homme nu, couché sur le dos en gisant, les bras le long du corps « en méditation ou déjà mort » selon ses mots. Au-dessus de lui, se déploie un ciel profond, constellé d’étoiles et de nuées rehaussées d’or et de plomb. Le titre « athanor » désigne en alchimie le four permettant de fabriquer la pierre philosophale. De part et d’autre, se répondent deux sculptures : Danae, livre de plomb surmonté d’une haute fleur de tournesol parsemée de graines d’or évoquant l’union mythologique entre Danae et Zeus et face à elle, la scultpure Horthus Conclusus : un bouquet de douze fleurs faisant allusion à la virginité de Marie et au paradis. Les trois œuvres reprennent des thèmes chers à l’artiste. Deux des trois œuvres ont été restaurées en 2012, cinq ans à peine après leur pose, espérons tout de même qu’elles puissent rester en place longtemps…
À la demande du musée du Louvre, François Morellet s’empara en 2010 des baies de l’escalier Lefuel (aile Richelieu, 1e étage) construit par l’architecte du même nom au milieu du XIXe siècle. Il relie aujourd’hui les départements des sculptures, des peintures des écoles du nord et des objets d’art, ce qui en fait un lieu de passage privilégié. L’artiste eut l’idée de redessiner les baies à partir des ferrures d’origine, en transposant le dessin de celles-ci et en modifiant ensuite soit l’angle de rotation, soit le centre de gravité de sorte que les baies semblent avoir glissé, s’être décalées ou avoir été renversées. Il dit lui-même s’être amusé « à fragmenter et déstabiliser [l]es vitrages en les confrontant à leur propre image ».
Pour cela, il s’est entouré des maîtres verriers de l’atelier Loire pour respecter les techniques de travail à l’ancienne du verre et du plomb. L’artiste à souhaité que l’installation soit discrète et s’intègre parfaitement dans son environnement, dans le respect de l’architecture originale, si bien que de nombreux visiteurs pourront passer dans l’escalier sans la remarquer. François Morellet, 88 ans en 2014, est un habitué des interventions à grande échelle dans les musées ou dans l’espace public. L’une de ses œuvres en néons est d’ailleurs visible à la tombée de la nuit en face du musée du Louvre à l’angle de la place du Palais Royal et de la rue de Rivoli.
Cy Twombly fut le troisième artiste contemporain dans les années 2000 invité à produire une intervention pour le Louvre. On lui confia la réalisation du plafond de la salle 32 du département des antiquités grecques, étrusques et romaines abritant la collection de bronzes antiques (aile Sully, 1e étage), jouxtant la salle Henri II.
Cy Twombly décida de couvrir le plafond de bleu, une couleur rare dans son œuvre. L’artiste emploie une nuance profonde, quasi giottoesque, « entre cobalt et lapis-lazuli » selon ses mots, qui frappe le visiteur dès son entrée dans la salle. Semblable à un ciel en trompe l’œil, l’œuvre semble étirer l’espace en hauteur. De grandes formes rondes et aériennes, teintées de gris, d’or et d’argent, qu’on peut interpréter tour à tour comme des boucliers, des pièces de monnaies ou des constellations se déploient dans l’espace. La composition est animée de cartouches en réserve avec les noms en grec des plus grands sculpteurs antiques : Céphisodote, Lysippe, Miron, Phidias, Polyclète, Praxitèle, Scopas. Œuvre monumentale par sa taille, The Ceiling l’est tout autant pour son importance dans la carrière de Cy Twombly : elle aura été la dernière grande œuvre de l’artiste, décédé l’année suivante. Cy Twombly, dont l’oeuvre toute entière est inspirée des mythologies et des auteurs gréco-romains trouve toute sa place dans cette salle abritant la collection de bronzes antiques.
À l’initiative d’Henri Loyrette, l’art contemporain refit son entrée au Louvre sous la forme de commandes publiques (Anselm Kiefer, Cy Twombly, François Morellet) mais aussi d’expositions d’art contemporain dans les salles du musée. Ainsi en dix ans se sont succédés des artistes de tous bords tels Miquel Barceló, Jean-Luc Moulène, Sarkis, Jan Fabre, Yan-Pei Ming, William Kentridge ou Wim Delvoye. L’artiste belge, auteur de la célèbre et non moins controversée Cloaca, investit pendant l’été 2012 les appartements Napoléon III, les salles gothiques du département des objets d’art et la colonne du Belvédère sous la grande pyramide (visite).
Il dissémina ici et là objets en porcelaine, sculptures en bronze et autres pièces en dialogue avec leur environnement. Depuis de nombreuses années, Wim Delvoye s’emploie à offrir une relecture de l’histoire de l’art : du gothique, du baroque et de la sculpture académique du XIXe siècle en particulier, en plus de l’imagerie de la bande dessinée et de la culture populaire dans un joyeux mélange des genres. Depuis la fin de l’exposition, subsiste un grand vitrail de l’artiste en fin de parcours du département des objets d’art (aile Richelieu, 1e étage, salle 67 ?) composé de figures géométriques et de Christ en croix déformés dans le même genre que les sculptures installées sur la table de la grande salle à manger impériale pendant l’exposition.
Installée sous la pyramide de Ieoh Ming Pei, la colonne du Belvédère est destinée à accueillir des œuvres d’art contemporain de grand format : après Tony Cragg, Wim Delvoye et Loris Gréaud, c’est au tour cette année de l’artiste français Claude Lévêque. Sous le plus grand chapiteau du monde constitue le premier volet d’une exposition qui se poursuivra en 2015 dans les fossés médiévaux du palais. L’artiste à conçu une œuvre spécifique : un néon rouge de 22 mètres de haut figurant un éclair, réalisé à partir d’un dessin d’enfant (le jeune Hamza Aboudou). Quasi imperceptible de jour, l’œuvre prend tout son sens à la nuit tombée. L’œuvre dialogue avec son environnement et offre des perspectives, jeux de lumières et reflets inattendus. Probablement l’installation la plus intéressante réalisée pour dialoguer avec la pyramide.
Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre depuis 2013 projette de réduire la place accordée à l’art contemporain au musée dans les prochaines années. Fini à priori les expositions au sein des collections permanentes, désormais les artistes contemporains devront se contenter d’interventions ponctuelles et d’accrochages cantonnés aux salles fermées (la salle de la maquette ou celle de la Chapelle). Raison de plus pour apprécier l’installation de Claude Lévêque, l’exposition de Mark Lewis (visible jusqu’au 5 janvier 2015) et attendre avec hâte l’exposition carte blanche à Jean de Loisy prévue en fin d’année prochaine, il se murmure aussi que Jeff Koons pourrait présenter plusieurs pièces à l’occasion de sa rétrospective au Centre Pompidou.