Valérie Jouve : fenêtres ouvertes sur le monde

À contrepied de sa récente exposition au Jeu de Paume où les photographies étaient présentées de manière chronologique et thématique -rétrospective oblige-, Valérie Jouve présente au Bleu du ciel (Lyon) une « mise en espace », selon ses propres mots, de photographies récentes et plus anciennes. 

L’exposition regroupe les sujets récurrents développés par l’artiste depuis une quinzaine d’années. On y retrouve savamment ordonnancés des portraits de femmes, d’hommes et d’enfants ; des arbres (des portraits d’arbres suis-je tenté d’écrire tant leur présence à quelque chose d’humain), des villes… Avec Valérie Jouve, il faut accepter de ne pas savoir ce que l’on regarde, la plupart des œuvres sont sans titre, « pour ne pas détourner l’attention de l’image » explique-t-elle. L’image -se- suffit, l’interprétation est laissée libre au visiteur.

La découverte des photographies de Valérie Jouve s’accompagne de multiples réflexions : à propos des rapports qu’entretient l’homme avec son environnement, sur l’uniformisation des grandes métropoles ou de la frontière entre espace urbain et naturel… Le singulier et l’universel se côtoient, à l’image de ces portraits d’hommes et de femmes en vis-à-vis de points de vues sur ce qui constitue la ville d’aujourd’hui : les vitrines de magasins, les panneaux de signalisation, le mobilier urbain. Certains clichés explorent eux les lieux où des constructions à grande échelle, semblant « sorties de nulle part » comme le faisait remarquer une visiteuse, côtoient une nature préservée (pour combien de temps encore ?) à la lisière de villes (palestiniennes ?) où l’humain semble paradoxalement absent. Avec elles, Valérie Jouve photographie de loin ce que filmait de près Pier Paolo Pasolini de Rome dans Mamma Roma soit la frontière palpable entre ville et campagne.

Valérie Jouve, Femmes du pays de la lune, 2013-2016 © Valérie Jouve. Courtoisie du Bleu du ciel
Valérie Jouve, Sans titre (Tania et arbres) © Valérie Jouve. Courtoisie du Bleu du ciel

Tirés dans plusieurs formats, contrecollés à même le mur ou sur des panneaux de bois, accrochés à différentes hauteurs d’œil, les travaux de Valérie Jouve révèle au Bleu du ciel quelque chose de l’ordre du cinématographique (indépendamment du film qu’elle présente dans l’exposition). Dans cet espace minutieusement agencé, le corps et le regard du visiteur sont pleinement intégrés : le parcours ménage de multiples points de vues et différentes temporalités de visite (accélérations, respirations, arrêts…). Au contact d’autres images, chacune des photographies de Valérie Jouve se charge d’une portée narrative -qui pourrait varier semble-t-il à l’infini selon les accrochages-. Le blanc en réserve du mur devenant le support pour imaginer un instant des résonances entre elles ; l’absence systématique de cadres renforce cette idée d’un hors-champ. Dans la même veine, Valérie Jouve présente des compositions ou « montages » photographiques inédits, associant jusqu’à trois ou quatre clichés ensemble dans un agencement semblable imagine-t-on à celui qu’à l’artiste a face à elle au moment de la sélection des clichés.

La force de cette nouvelle exposition réside autant dans la qualité des images que celle de l’accrochage qui offre aux visiteurs une quantité de « fenêtres ouvertes » sur le monde. Elle est autant une invitation au voyage -comme le suggère la vidéo en plan fixe d’un paysage défilant à travers les vitres d’un train, présentée dans l’entrée- dans l’univers de Valérie Jouve que réel, de Paris à Ramallah. À découvrir jusqu’au 26 mars !


Valérie Jouve, du 29 janvier au 26 mars 2016, le Bleu du ciel, 12 rue des Fantasques, Lyon 1e – entrée libre.


Image à la une : Valérie Jouve, Femmes du pays de la lune (détail) © Valérie Jouve. Courtoisie du Bleu du ciel