En plus d’abriter l’une des plus importantes collections d’art de la ville (Gilles Aillaud, Zao Wou-Ki…), d’accueillir tout au long de l’année des rencontres et des conférences sur l’art contemporain, l’École Normale Supérieure de Lyon possède -peu de gens le savent- un espace d’exposition permanent.
Depuis sa création en 2000, La Librairie (la galerie tire son nom d’une vitrine présentant les dernières publications de l’école) a présenté près de 120 expositions*. Principalement orienté autour de la photographie, le lieu accueille jusqu’au 30 mars une importante sélection de clichés pris à Venise appartenant au photographe italien Graziano Arici. En parallèle à sa carrière (il a travaillé notamment pour le Gran Teatro la Fenice et le Palazzo Grassi), Graziano Arici a rassemblé plus d’un million de photographies (la moitié a été numérisée, 200 000 sont accessibles en ligne sur le site de l’archive). La grande majorité (soit près de 800 000 photographies) a été réalisée par Graziano Arici – le reste est issu de fonds, acquis, ayant appartenu à d’autres photographes, à des agences de presse, ou provient, encore, d’achats effectués sur internet, ou auprès de particuliers. Ces photographies ont été choisies pour leur valeur évocatrice ou historique : « je veux que la photo donne des informations importantes, qu’elle donne une certaine idée, communique, raconte certaines choses » explique l’artiste. Son archive de portraits d’artistes du XX° et du XXI° siècle constitue, selon François Pinault « la plus grande archive, privée, en Europe, de portraits», et la somme réunie sur Venise, des années 1850 à nos jours, est « la documentation privée la plus complète existante » sur cette ville.
Oubliez le palais des doges, le pont des soupirs et les gondoles, l’exposition Venice Sunset offre au public l’opportunité de découvrir la Sérénissime sous un autre jour, loin de l’image de carte postale. Plusieurs milliers de clichés (une centaine de tirages numériques sont reproduits aux murs de la galerie, le reste est projeté au moyen d’un diaporama long de près de 2h) de Graziano Arici lui-même et d’anonymes (Carlo Ponti mis à part, aucune photographie ne porte d’indication sur son auteur -ce que l’on peut regretter) ont été réunis.
Ensemble, ils reflètent l’histoire de Venise, du milieu du XIXe siècle à nos jours et dévoilent la vie quotidienne d’une ville rythmée par les différentes manifestations culturelles (représentations de La Fenice, biennale d’art contemporain, Mostra, carnaval), les marées hautes et les flux ininterrompus de touristes (soit les trois « motifs » récurrents de l’exposition). On y retrouve en vrac les portraits de (presque) toutes les célébrités passées par Venise au cours des soixante-dix dernières années, aux côtés de représentations de métiers traditionnels ou d’autrefois (vendeurs de souvenirs, artisans, pêcheurs, porteurs d’eau) : acteurs de l’art contemporain (de Joseph Beuys à Jeff Koons en passant par Andy Warhol), stars du cinéma (Humphrey Bogart & Lauren Baccal, Luchino Visconti, Ken Loach…), chanteurs (de Maria Callas à Patti Smith), écrivains (Ezra Pound, Alberto Moravia…), chefs d’état… Sans oublier les paparazzi et les badauds venus les apercevoir.
Sans pour autant épargner la ville, certains des clichés exposés montrant les aspects les moins flatteurs de la cité des Doges (pollution, traces de la pêche intensive, décrépitude, afflux massif de touristes…), l’accrochage à la Librairie révèle tout l’amour que porte Graziano Arici pour la ville qui l’a vu naître, grandir et vieillir.
*Chaque année, entre avril et mai, s’y tient un accrochage organisé par les étudiants de la master-class initiation au commissariat d’exposition en partenariat avec l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne (👁 review de la dernière exposition / lechassis.fr).
Venice Sunset, du 15 février au 30 mars 2016, galerie La Librairie / École Normale Supérieure de Lyon, site Descartes, 15 parvis René Descartes, Lyon 7e – entrée libre.
Image à la une : Carnaval, Venise, 1995 (détail) © Graziano Arici