Si jusque là on venait avant tout à Rodez pour découvrir son centre-ville historique : la cathédrale, le palais épiscopal, les hôtels particuliers (maisons de Guitard, de Benoit, d’Armagnac), les musées Fenaille et Denys-Puech, les villages alentour (Belcastel, Séverac-le-château…), il faut depuis un an ajouter à cette longue liste de curiosités le musée Soulages !
Des milliers de visiteurs se sont bousculés depuis l’inauguration du musée, le 30 mai 2014, pour découvrir les œuvres du peintre (255 000 comptabilisés en un an, soit à quelque chose près la population de l’Aveyron), dépassant toutes les prévisions et laissant le musée un poil désemparé (cohue à l’ouverture, mises à distance provisoires). Le musée Soulages parvient à attirer une foule d’amateurs et de primovisiteurs, des familles notamment, un défi d’autant plus exceptionnel vue la situation de la ville (Montpellier et Toulouse ne sont qu’à 100km) et du fait qu’il s’agisse d’art contemporain, un champ de la création souvent décrié.
Installé dans un jardin public, appelé le Foirail, dans un quartier en pleine mutation qui a vu ses derniers mois l’ouverture d’un complexe de cinéma et de la salle des fêtes de Rodez, le musée Soulages est plus près du centre-ville et moins isolé que ne le laissaient croire les photos officielles, avec les avantages (proximité, accès), et les inconvénients (points de vues) que la situation impose.
La proximité avec la zone d’activités alentour mise à part, le musée s’intègre parfaitement à son environnement. La couleur rouille de l’acier corten utilisée pour la façade (le même matériau que celui employé par Richard Serra pour ses sculptures) par le cabinet d’architectes RCR renvoie à la fois aux nuances de grès rose de la cathédrale comme aux brous de noix du peintre. Le musée se distingue par l’élégance de ses lignes comme de ses aménagements : vaste hall d’accueil, larges baies vitrées, omniprésence du métal, harmonies de noirs et de gris…
Rien dans l’accrochage ne semble avoir été laissé au hasard (ce que confirme la vision du documentaire sur la création du musée projeté dans l’auditorium), ce qui hélas laisse assez peu de place à l’émotion que devrait procurer une telle réunion. La visite brille surtout par la clarté du parcours, et la qualité des textes de salles, on constate néanmoins l’absence de citations rapportées de Pierre Soulages qui auraient été utiles pour éclairer certains ensembles, ne serait-ce que l’anecdote qui a mené la création des Outrenoirs. « Un jour de janvier 1979, je peignais et la couleur noire avait envahi la toile. Cela me paraissait sans issue, sans espoir. Depuis des heures, je peinais, je déposais une sorte de pâte noire, je la retirais, j’en ajoutais encore et je la retirais. J’étais perdu dans un marécage, j’y pataugeais. Cela s’organisait par moments et aussitôt m’échappait… » rapportée dans le CP de la première exposition.
Le musée Soulages retrace 70 ans de carrière de l’artiste, depuis ses débuts jusqu’aujourd’hui, en une succession de huit salles présentant de grands ensembles : les premières toiles, les brous de noix, l’œuvre imprimée (eaux-fortes, lithogravures, sérigraphies), les vitraux de Conques, les Outrenoirs… Les collections du musée reposent sur deux donations faites par l’artiste et son épouse, en 2005 et 2012 -de rares dépôts viennent compléter le fond-, soit ce que Pierre Soulages à voulu montrer ou non de son œuvre. Si on se réjouira par exemple de découvrir les premières toiles de Pierre Soulages ou les cartons pour les vitraux de Conques, à l’inverse on pourra regretter l’absence de tapisseries ou de céramiques par exemple ou le manque d’Outrenoirs, cependant mis à l’honneur lors de l’exposition inaugurale.
Pierre Soulages a tenu à ce que le musée, le premier en France à consacrer un artiste vivant, ne soit pas un mausolée en imposant comme condition sine qua non la création d’un espace d’exposition temporaire. Celui-ci accueille jusqu’au 27 septembre une installation monumentale de Claude Lévêque.
Musée Soulages, jardin du Foirail, avenue Victor Hugo, Rodez – 9€/5€/0€.