Lucy Skaer à Lyon : dialogue avec l’archéologie

Le musée gallo-romain de Lyon accueille, jusqu’au 3 janvier 2016, en résonance avec la 13e biennale d’art contemporain, une exposition de l’artiste écossaise Lucy Skaer, organisée par La Salle de bains. 

Après avoir investi le réfectoire des nonnes de l’école des beaux-arts (occupé il y a peu par les artistes du post-diplôme 2015), le musée d’art contemporain de Lyon, l’institut d’art contemporain de Villeurbanne, la galerie des Terreaux, le centre d’art -privé de son propre espace d’exposition- poursuit son itinérance.

L’exposition prend place au dernier niveau du musée gallo-romain de Fourvière, en contrebas des collections permanentes, face aux réserves, dans un espace tout en béton aux proportions imposantes (dessiné par l’architecte Bernard Zehrfuss), lui donnant de faux airs d’un hall de gare ou d’une nef d’église. Lucy Skaer présente là, posées à même le sol, réparties à distances égales dans toute la longueur de la salle, huit paires de sculptures appartenant à la série des Sticks and Stones (« bâtons et cailloux » en français).

Initiée en 2013, cette série prend pour point de départ le déménagement de l’artiste (de New York à Glasgow) et son envie de « prendre tout ce qui était à sa disposition » dans son atelier pour en faire une nouvelle œuvre. À partir de grandes planches d’acajou rouge, restées immergées au fond du fleuve Bélize pendant plus d’un siècle, qu’elle conservait précieusement, Lucy Skaer a créer ou fait créer (la réalisation de l’une des huit paires a ainsi été confiée à des marbriers français) une suite de répliques dans différents matériaux choisis de manière intuitive, par associations de couleurs ou  d’idées : des briques de céramique, du marbre, du bois, de la pâte à papier, de l’ardoise, du plâtre… « La prochaine sera en plastique » confie l’artiste. Des matériaux sur lesquels viennent se greffer, dans un travail digne de la marqueterie, des incrustations de porcelaine, de calcaire, d’étain, de pièces de monnaies, de minéraux ou de différentes essences de bois.

vue de l’exposition Sticks and stones de Lucy Skaer, centre d’art La Salle de bains hors les murs au musée gallo-romain de Lyon, 2015 © photographe : Aurélie Pétrel. Courtoisie du centre d'art
Vue de l’exposition Sticks and stones de Lucy Skaer, centre d’art La Salle de bains hors les murs au musée gallo-romain de Lyon, 2015 © photographe : Aurélie Pétrel. Courtoisie du centre d’art

Chaque nouvelle sculpture est répliquée directement à partir de la pièce précédente, au moyen d’un moulage lorsque l’opération est possible ou à partir de « mesures et d’observations directes » uniquement. Ce processus de création, très artisanal -presque archaïque à l’heure du numérique-, implique d’infimes modifications, de variations, d’accidents aussi, selon les techniques employées et les matériaux choisis. La forme de l’objet (sa silhouette, son volume, ses reliefs, ses aspérités) évolue ainsi au fil des copies.

Pour la première fois depuis sa création il y a tout pile quarante ans, le musée gallo-romain de Lyon s’ouvre à l’art contemporain dans une volonté de croiser les regards : « surprendre le public habituel et espérer attirer de nouveaux visiteurs », selon les propres mots de son directeur et montrer une certaine proximité entre l’archéologie et l’œuvre de Lucy Skaer. Les sculptures de l’artiste dialoguent non seulement avec l’architecture et l’espace d’exposition (elles se fondent dans le décor comme si elles avaient toujours été là) mais aussi avec les collections archéologiques du musée : les deux témoignent d’un intérêt pour des marqueurs de l’histoire (gallo-romaine pour l’un, coloniale pour l’autre)*.


* « l’acajou de Bélize porte le nom du fleuve qui est aussi celui de l’ancienne colonie britannique centre-américaine. Cette essence précieuse et sacrée a été exploitée de la fin du XIXe siècle aux années cinquante pour la fabrication de navires et surtout exportée en masse via le fleuve Bélize pour la production de meubles peu coûteux fabriqués au Royaume-Uni » nous informe le communiqué de presse de l’exposition.


Lucy Skaer, Sticks and Stones, du 10 avril au 3 janvier 2016, musée gallo-romain de Lyon-Fourvière, 17 rue Cléberg, Lyon 5e – entrée 7€/4,50€ / gratuit -18 ans/pour tous le jeudi.


Image à la une : vue de l’exposition Sticks and stones de Lucy Skaer, centre d’art La Salle de bains hors les murs au musée gallo-romain de Lyon, 2015 © photographe : Aurélie Pétrel. Courtoisie du centre d’art