À l’URDLA, les expositions se suivent et ne se ressemblent pas. Après avoir accueilli des étudiants de l’ARBA, organisé trois expositions monographiques, présenté de multiples accrochages (dont un de David Wolle) et s’être intéressé à la gravure en taille-douce, l’URDLA a invité l’agence du doute à concevoir un projet inédit.
Accompagné par la plasticienne Laurence Cathala, le collectif (fondé par Catherine Guiral, Brice Domingues et Jérôme Dupeyrat, tout et tous à la fois graphistes, historiens de l’art, professeurs en écoles d’art ou commissaires d’expositions) présente à Villeurbanne − après des étapes en région parisienne, Bruxelles et Toulouse – le huitième volet de Crystal Maze : un « dispositif conjuguant les formes et les principes de la conférence, du montage, de la projection, de l’exposition et de l’édition », selon leurs propres mots. Carte blanche leur a été donnée. Les artistes ont élaboré un projet d’exposition global.
Fruit d’une résidence de plusieurs semaines, Confidences pour confidences combine une performance, un accrochage, la réalisation de deux séries d’estampes et la publication d’un nouveau numéro de la revue ça presse, inspirés par l’étude d’une nouvelle de Stefan Zweig écrite à la fin des années 1920. Le Bouquiniste Mendel relate, à travers les souvenirs de ceux qui l’ont connu, la vie dans la Vienne du début du siècle de Jakob Mendel, bibliophile passionné, lecteur compulsif, à la mémoire prodigieuse, capable de renseigner quantité d’éléments sur n’importe quel livre qui lui serait passé entre les mains.
« [Jakob Mendel] lisait comme d’autres prient, comme des joueurs se passionnent pour leur partie, ou comme des ivrognes suivent une idée fixe. Je l’avais vu lire avec un recueillement si parfait, que la manière dont lisent les autres gens me semble, depuis lors, superficielle et profane. » Stefan Zweig, Le Bouquiniste Mendel
Prolongeant une lecture-performance jouée le soir du vernissage, un accrochage d’œuvres, puisées par chacun des quatre artistes dans les archives, éclaire d’un jour nouveau les collections de l’URDLA (riches aujourd’hui de près de 2000 estampes). S’y retrouvent mêlées, disséminées sur toute la hauteur et la longueur des murs, une quarantaine d’œuvres éditées entre les années 1980 et aujourd’hui : une sélection éclectique (tant au point des vue des artistes* que des techniques, des formats, des sujets…) dans laquelle chacun doit pouvoir trouver satisfaction [coup de cœur personnel pour les estampes de Milan Grygar, Jean-Luc Parant et Jacqueline Salmon].
Tandis qu’une copie de la première et de la dernière page du Bouquiniste Mendel encadrent l’exposition, des fragments du récit, reproduits sous forme de cartels, accompagnent les œuvres – à moins que ce ne soit le contraire –. Texte et image dialoguent, invitant les visiteurs soit à trouver les liens (parfois évidents) ayant déterminé l’accrochage soit au contraire à établir leurs propres correspondances entre l’un et l’autre. Au parcours linéaire, induit par l’organisation chronologique des cartels, répond une visite libre se construisant au gré des œuvres et des dialogues créés inévitablement par une telle mise en espace. Au travers des extraits de la nouvelle se construit le récit et transparaît la destinée tragique du personnage confronté à la montée de l’obscurantisme (avec en creux, par anticipation, le propre sort de l’auteur contraint à l’exil en 1933) qui n’est pas sans lien avec l’actualité la plus proche.
*36 artistes représentés, âgés de 27 à 95 ans, venus du monde entier : Algérie, Allemagne, Argentine, Autriche, États-Unis, Suisse, Tchécoslovaquie, Tunisie…
Exposition CMVIII.bis – Confidences pour confidences, du 8 avril au 13 mai 2017, URDLA – Centre international estampe & livre, 207 rue Francis-de-Pressensé, Villeurbanne – entrée libre.
Image à la une : vue de l’exposition Confidences pour confidences © Photo : Jules Roeser. Courtoisie de l’URDLA