Depuis la fondation de La Roche-sur-Yon en 1804, environ 70 œuvres y ont été installées dans l’espace urbain ou les bâtiments publics. Malgré une Histoire artistique tardive, à l’image de nombreuses villes de France, La Roche-sur-Yon a construit un fonds d’art public important sans l’avoir pour autant adopté.
La Roche-sur-Yon a été fondée par décret impérial le 25 mai 1804 dans un but très simple, pacifier et civiliser la Vendée encore meurtrie par l’insurrection et sa répression. Conscient de la complexité du département, Napoléon a accordé une certaine autonomie aux ingénieurs des ponts et chaussées. Emmanuel Crétet, ayant pleine conscience du rôle de l’espace public et s’inspirant de la ville de Philadelphie, statue pour un plan ordonné autour d’une immense place civique centrale, de quatre places secondaires et de nombreux lieux de promenade, de marchés… À La Roche-sur-Yon, la vie se joue sur deux types d’espaces bien distincts, les jardins privatifs généralisés et les places publiques. L’esplanade centrale de trois hectares regroupe la majorité des bâtiments officiels et prend ainsi le rôle qu’avait le Forum dans l’Antiquité romaine.
Si l’introduction appuie sur la naissance de la ville, c’est que l’art public aurait pu y avoir un rôle fondateur dans les usages urbains. Cela a été plus compliqué que prévu. Et pour cause, si les édifices doivent être neutres dans nombre de théories des Lumières, la question de la mise en valeur des perspectives via monuments, obélisques… a une importante réelle dans la signifiance des lieux de vie de la cité. Néanmoins, l’application de ce principe fut impossible. Les difficultés financières ont freiné le développement de la ville et ce n’est qu’en 1838 que la première statue est apparue dans l’espace urbain. Le sculpteur angevin Hyppolyte Maindron a en effet réalisé un monument dédié au général Travot qui a été installé sur la place centrale. Cette statue de bronze, sera déplacée en 1853 avant d’être fondue par l’occupant en 1942.
La seconde moitié du XIXe siècle voit naître un essor culturel à La Roche-sur-Yon, mais l’art public reste le parent pauvre de ce développement. En 1896, la ville décide de rendre hommage à son prix de Rome de peinture 1850, Paul Baudry. Une sculpture de Jean-Léon Gérôme est alors installée face à la préfecture. Elle sera elle aussi fondue par l’occupant en 1942, subsiste néanmoins le modèle en plâtre dans les collections du musée des Beaux-Arts de Nantes. À la même période, une statue en pierre rendant hommage au député républicain Sébastien Luneau est installée à l’école normale. Après cela et jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, la seule œuvre érigée dans l’espace public de La Roche-sur-Yon sera une statue représentant l’astronomie déposée par l’Etat car provenant du premier palais du Trocadéro. En effet, la refonte du lieu préfigurant l’Exposition Universelle de 1937 a entrainé la dispersion d’œuvres sur l’ensemble du territoire national.
Après la guerre, ce sont également des dépôts d’œuvres que la ville va connaître comme souvent en France, en compensation des réalisations détruites ou disparues. Trois sculptures seront installées, Fra Angelico par Jean Boucher, le Nid d’amour par Auguste Suchetet et O Grupo de Victor Brecheret. Cette dernière œuvre, du maître brésilien, faisait partie des acquisitions de l’année 1933 du Jeu de Paume.
C’est lors de la seconde moitié du vingtième siècle que l’ensemble du fonds artistique public de La Roche-sur-Yon va se constituer, l’apparition du 1% artistique va y contribuer de manière notable. Faute d’archives exhaustives, on peut estimer à 28 le nombre de réalisations à La Roche-sur-Yon dans le cadre du dispositif qui a fêté ses 60 ans en 2011. Ajoutons qu’à ce jour, 11 de ces œuvres sont détruites ou disparues sans compter celles qui sont partielles ou en grand danger.
S’il y a une originalité dans le 1% artistique à La Roche-sur-Yon, c’est la place accordée à l’art cinétique et à l’art cybernétique. En effet, l’amitié entre l’architecte local René Naulleau et le conseiller régional aux Arts plastiques Pierre Chaigneau – qui a accompagné la naissance de nombreux musées comme le MASC des Sables-d’Olonne, le MAMAC de Nice, le LaM de Villeneuve-d’Ascq…–, a permis de faire venir quatre artistes que sont Yaacov Agam, Antonio Asis, Carlos Cruz-Diez et Nicolas Schöffer.
Faute d’entretien, la sculpture d’Antonio Asis a été détruite par le Département, tout comme la Colonne Chromointerférente de Carlos Cruz-Diez en 2014. Il faut bien comprendre que pour une ville comme La Roche-sur-Yon (environ 40 000 habitants en 1970), la présence d’œuvres des quatre artistes est tout à fait exceptionnelle. Le 1% artistique à La Roche-sur-Yon, c’est aussi deux prix de Rome de sculpture (René Leleu et Béatrice Casadesus), quelques artistes extérieurs au département (Bertrand Dorny, Pedro Portugal, Maryse Eloy, Bernard et Clotilde Barto…) et nombre de créateurs locaux comme Albert Deman, Jacques Golly, Jacques Launois ou Robert Lange.
Sur le plan des acquisitions par les collectivités, environ 32 œuvres ont été réalisées depuis 1952, date à laquelle un des premiers embellissements urbains, face à la gare, a permis l’installation d’un couple de Danseurs du bocage sculpté par les frères Jan et Joël Martel. S’en suivra une période assez creuse de trente ans alors même que la population va doubler. Des œuvres réalisées de 1980 à nos jours, nous pouvons retenir par exemple la période commémorative de 1993. La municipalité va se baser sur le discours de Georges Clemenceau du 30 septembre 1906 appelant à l’unité autour de la République (une stèle-obélisque de Jean-Luc Cousin sera inaugurée à cette occasion), tandis que le conseil général va honorer avant tout les vendéens tués pour avoir défendu leur liberté (une tapisserie de Maurice de La Pintière est installée depuis à l’hôtel du département). La période du bicentenaire de La Roche-sur-Yon, sera également prétexte à l’installation d’œuvres sur l’espace public, une sculpture de Jean-Pierre Viot pour le jardin de la préfecture ainsi qu’une tapisserie de Jacques Brachet pour le hall de l’hôtel de ville.
En ce qui concerne la Commande publique (dispositif engageant l’Etat), deux œuvres ont été réalisées sur deux places publiques de La Roche-sur-Yon. La première est la seule sculpture urbaine de Daniel Tremblay, l’artiste étant mort pendant sa réalisation en 1985. Cette œuvre est intitulée L’homme appelant la Liberté, en mémoire des déportés de la Seconde Guerre Mondiale. La seconde Commande publique a été réalisée par Bernard Pagès en 1986 dans le cadre du programme Sept fontaines monumentales en France porté par l’Association pour le développement de l’environnement artistique. La fontaine installée a considérablement marqué les habitants. Et pour cause, l’incompréhension face à une symbolique peu expliquée et le coût important de l’aménagement, ont suscité l’émoi.
À La Roche-sur-Yon comme ailleurs, l’art public n’est pas toujours compris, parfois méprisé, alors que sa vocation première est donner corps à des espaces et de provoquer l’émotion. Trop régulièrement il y a l’installation puis l’oubli. L’oubli d’entretenir, l’oubli de respecter la volonté de l’artiste, l’oubli de donner des clés pour la compréhension… Quand la colonne de Cruz-Diez a été détruite, nul ne s’en est ému avant deux mois, le temps que l’affaire soit révélée. A ce moment-là, ce qui a fait réagir c’est la valeur financière prise par l’œuvre au bout de quarante ans. Rien ou très peu sur la perte artistique et le rôle que devait avoir l’œuvre sur les élèves et usagers du collège où avait été réalisé ce 1%.
Il y a presque cinquante ans, Pierre Chaigneau donnait un coup de fouet à la culture locale en réconciliant les formes artistiques les plus variées dans un cycle d’expositions qui a fait date, et dans un appui pour un accès de tous à l’art. Souhaitons que son message soit enfin compris et que l’art public retrouve la place qui doit être la sienne.
Retrouvez toutes les œuvres mentionnées dans l’article sur la carte ci-dessous :
[MAJ octobre 2016] Aller plus loin : plan-guide L’art dans l’espace public à La Roche-sur-Yon, par William Chevillon