Nombreux sont les artistes inscrits sur instagram [(re)découvrez à cette occasion notre sélection de 50 à suivre], mais peu développent un projet spécifique -à moins de considérer un mélange de vues d’expositions, de work in progress et d’inspirations comme partie intégrante de leur œuvre-. Focus sur trois d’entre eux : Peter Halley, Olaf Breuning et Anish Kapoor.
Peter Halley : @peterhalley
À mille lieues de sa production actuelle : des toiles grands formats présentant des formes géométriques parcourues d’un réseau de lignes, aux couleurs éclatantes (jaune, orange, rouge, rose, bleu, vert), Peter Halley, artiste américain né en 1953, partage sur instagram, depuis plus d’un an et demi, des photographies satellites vraisemblablement issues de Google Earth (une simple recherche permet de retrouver certaines vues).
« Yukon River, Alaska », « Ethiopia », « Kerzaz, Algeria » sont quelques unes des légendes associées. Les clichés se divisent en deux catégories : les sites naturels préservés d’une part (littoral de l’île de North Uist, dunes d’Arabie Saoudite, glaces d’Islande) et paysages modifiés par l’homme de l’autre. Dans cette deuxième catégorie, on retrouve en vrac des installations artistiques comme la Spiral Jetty de Robert Smithson ou le Roden Crater de James Turrell aux côtés de grands complexes immobiliers (Las vegas, parlement du Bangladesh, data center Google), des fragments de routes, des infrastructures diverses montrant toutes l’empreinte de l’homme sur la nature -et ses excès- comme avec les îles artificielles de Bahreïn, les banlieues pavillonnaires américaines ou le plan symétrique d’Astana. Au-delà du constat, et éventuellement de la critique, prime la qualité picturale de ces compositions, qu’elles soient naturelles ou artificielles, avec leurs formes géométriques, réseaux de lignes et reliefs qui s’apparentent à des peintures abstraites.
Olaf Breuning : @olafbreuning
Des visages faits à partir de trois fois rien : une feuille et deux glands, deux capsules et deux mégots, un abricot et deux quartiers de pêche, le compte instagram d’Olaf Breuning, artiste suisse né en 1970, en compte des dizaines. Celui-ci illustre parfaitement le terme « paréidolie », très en vogue quoique introuvable dans le dictionnaire, qui désigne « une sorte d’illusion d’optique qui consiste à associer un stimulus visuel informe et ambigu à un élément clair et identifiable, souvent une forme humaine ou animale » (wikipédia).
Olaf Breuning transpose un jeu d’enfant très répandu qui consiste à percevoir dans les objets du quotidien ou le paysage (les nuages tout particulièrement) un visage ou la silhouette d’un animal, une tendance par ailleurs très développée sur instagram grâce au hashtag #ISeeFaces. Olaf Breuning s’inscrit dans une histoire de l’art de la paréidolie, qui regroupe Andrea Mantegna (voir les nuages de Minerve chassant les Vices du Jardin de la Vertu au musée du Louvre par ex.) ou les illusions d’optiques de Salvador Dali pour ne citer qu’eux. Avec ses compositions, Olaf Breuning magnifie le quotidien dans lequel il puise pour nous raconter des histoires. Il attribue ainsi à chacun de ses personnages un nom : « mrs bulltomato », « mr apricotpeachmouth », « mr veryangryswissknivemouth » « mr maypjusthappy ». Dose de bonne humeur garantie !
Anish Kapoor : @dirty_corner
Anish Kapooor a fait une arrivée fracassante sur instagram, en août 2015, largement relayée par la presse (Artnet, Les Echos, Exponaute…), il faut dire qu’il compte désormais parmi les artistes les plus renommés présents sur ce réseau social et qu’il développe en plus un projet tout à fait inédit qui consiste à photographier des « dirty corner » (coin sale en français) aux quatre coins du monde pour ensuite les publier.
Dirty Corner est également le titre de l’une des œuvres installées dans le jardin du château de Versailles durant l’été 2015, vandalisée à la rentrée (attaque à laquelle l’artiste a justement réagit sur ce compte qui porte le même nom). À l’exception des premiers clichés qui mentionnaient la date et l’heure de prise de vue (« 17:37 28-01-2010 », « 18:58 17-12-2013), les photographies sont seulement accompagnées du hashtag #dirtycorner. Difficile alors de deviner où elles ont été prises, seuls quelques indices sur certaines d’entre elles permettent de le deviner : Bengali au Bangladesh, Lalita Gath en Inde… Ces photos offrent des compositions d’une grande simplicité et une palette d’ocres, de bruns et de noirs qui reflètent l’intérêt d’Anish Kapoor pour les « coins sales » comme le montrait l’installation Shooting in the corner (présentée dernièrement dans la salle historique du Jeu de Paume à Versailles) qui consiste en un canon tirant des boulets de cire rouge dans un coin blanc immaculé. Pour le moins surprenant !