Jeune artiste franco-suisse, installé à Berlin, Julian Charrière expose pour la première fois en solo à la galerie parisienne Bugada & Cargnel. L’exposition Polygon, présentée jusqu’au 30 mai, rassemble un ensemble d’œuvres récentes, inédites en France : installations, photographies et vidéo.
Julian Charrière fait son grand retour à Paris, un an après son exposition au Centre culturel suisse et quelques mois après sa participation au programme hors-les-murs de la FIAC au Jardin des plantes. Comme beaucoup, nous l’avions découvert y a deux ans dans le cadre des modules du Palais de Tokyo présentés à l’occasion de la Biennale de Lyon, on le retrouve à la galerie Bugada & Cargnel pour son premier solo show.
Les travaux de Julian Charrière embrassent plusieurs champs de l’art contemporain : la performance, la photographie, la vidéo ou l’installation… L’artiste intègre des références scientifiques, historiques ou littéraires à ses œuvres, comme ici dans cette exposition avec des nouvelles de J.G. Ballard : La Plage ultime et Le Monde englouti.
Pièce centrale de Polygon, la vidéo Somewhere explore, en une succesion de longs travellings, un paysage fantomatique ponctué de constructions monolithiques. Paysage extra-terrestre, décor de film catastrophe ou ruines d’une cité moderne ? Difficile à déterminer avant la lecture du cartel. Le film a été tourné sur le site de Semipalatinsk au Kazakhstan, où fut réalisé pendant plus de cinquante ans les essais nucléaires de l’URSS : il y fut reconstitué une mini-ville pour étudier les effets du souffle.
Il est beaucoup question de géographie dans l’œuvre de Julian Charrière. On y trouve en vrac des travaux réalisés à Berlin où il vit, en Islande (The Blue Fossil Entropic Stories, 2012) ou comme ici au Kazakhstan ainsi que des éléments rapportés des quatre coins du globe : carottes de sel ramenées de Bolivie, échantillons de terres prélevées dans les 195 pays membres de l’ONU (Monument-Sedimentation of Floating Worlds, 2013), extraits d’eaux puisés dans neuf grands fleuves (Somewhere They Never Stop Doing What They Always Did, 2014)…
Les travaux de Julian Charrière sont faits d’expérimentations diverses. Ils se fondent souvent sur un processus de développement non contrôlé par l’artiste. Ici l’exemple nous est donné par une série de photographies réalisées à Semipalatinsk : les négatifs ont été soumis au contact de sable contaminé à des radiations, à des doses différentes, créant sur l’image au moment du développement des tâches.
D’une manière assez fascinante, l’exposition Polygon fait se superposer trois temps différents : passé, présent et futur. Julian Charrière met en scène à la fois des végétaux (orchidées, fougères, cactus…) présents sur terre depuis des temps immémoriaux dans une vitrine frigorifique, filme et photographie un paysage irradié, sans âme et sans âge et des briques découpées dans l’épaisse couche de sel du désert de Bolivie exploitée pour sa charge en lithium, un composant des batteries de nos appareils électroniques. Julian Charrière interroge les différentes échelles temporelles : il fixe tantôt le temps, l’accélère ou le ralentit.
Ses travaux questionnent le visiteur, ils offrent plusieurs niveaux de lecture. Difficile de ne pas voir dans l’exposition Polygon un questionnement sensible sur la relation entre l’homme et son environnement avec des pistes de réflexion sur le nucléaire, le réchauffement climatique ou l’exploitation des ressources naturelles. Quoi qu’il en soit réellement il serait dommage de louper cette belle exposition. Nul doute qu’on réentendra parler de Julian Charrière dans les prochaines années…
Julian Charrière, Polygon, jusqu’au 30 mai, galerie Bugada & Cargnel, rue de l’Equerre, Paris – entrée libre. Un catalogue de l’exposition est disponible à la galerie (5€).
Image à la une : vue de l’exposition Julian Charrière, Polygon, galerie Bugada & Cargnel © Photo : Martin Argyroglo. Courtoisie de la galerie